
Sorti en 1991, Hudson Hawk, gentleman et cambrioleur est un ovni cinématographique signé Michael Lehmann. Dès les premières minutes, on comprend qu’il ne faut surtout pas chercher à y voir un thriller de casse élégant, bien avant Ocean’s Eleven de Steven Soderbergh . Ici, la logique s’efface devant le burlesque. Bruce Willis – à la fois acteur principal, co-scénariste et producteur – transforme le film en terrain de jeu personnel, bref il s’amuse.
Le résultat ? Une comédie d’action cartoonesque où les explosions voisinent avec les gags visuels, les poursuites avec les chansons fredonnées en duo. L’intrigue n’a qu’un seul but : offrir à Bruce un spectacle à la mesure de son ego. Il faut dire qu’à cette époque, il est la star montante, sortant de la série Claire de Lune et vraiment il nous régale de son jeu et de sa bonne humeur. Car Hudson Hawk ne raconte pas vraiment une histoire, il raconte Bruce Willis. Voleur charmeur, ex-taulard, chanteur amateur, as du timing (musical et criminel). Il se sort toujours d’affaire juste à temps pour savourer son cappuccino. Une obsession comique répétée comme un running gag, presque un manifeste : peu importe le chaos, tant qu’il reste un café mousseux à portée de main. Est-ce la définition du panache, ou celle de Bruce face au cinéma ?
Là où d’autres films de cambriolage cultivent le suspense, Lehmann choisit le grand n’importe quoi. Tout est fait pour tourner en ridicule les codes du film d’action et du film de casse (Andie MacDowell en nonne). Les dialogues flirtent avec l’absurde, les méchants semblent sortis d’un comics bariolé, et les chorégraphies de casse s’organisent au rythme de standards musicaux. Le duo Willis–Danny Aiello règle ses braquages en chantant Swinging on a Star comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. Résultat : on ne croit pas une seconde à ce qu’on voit, mais on rit de la désinvolture du procédé. Bruce Willis cabotine avec un plaisir contagieux. Chaque grimace, chaque pirouette, chaque tirade ironique est un clin d’œil au spectateur. Il sait pertinemment qu’il ne joue pas Hamlet, mais il jubile de casser son image d’action héro taciturne pour devenir une sorte de Bugs Bunny en manteau long et galure. Face à lui, Andie MacDowell incarne une espionne candide, dont la candeur contraste avec le chaos environnant. Leur duo ne fait pas d’étincelles romantiques (chasteté oblige), mais fonctionne comme un contrepoint doux-amer à l’exubérance de Willis. Il faut le dire : personne ne s’est soucié de la cohérence. Le film ressemble à une improvisation géante où acteurs et réalisateur se seraient demandé en permanence : « Et si on essayait ça, juste pour voir ? ». Un désordre qui, paradoxalement, fait son charme.
On ne va pas se mentir : Hudson Hawk est un échec critique et commercial à sa sortie. Trop déjanté pour les amateurs d’action pure, trop absurde pour séduire les fans de comédie traditionnelle, il est resté coincé dans une zone grise, voire très grise. C’est un conte et dans un conte on peut tout se permettre, peut-être un peu trop. Mais c’est précisément cette « inclassabilité » qui lui donne aujourd’hui son statut de plaisir coupable. On le revoit comme on mord dans un bonbon trop sucré : on sait que ce n’est pas raisonnable, mais on ne peut s’empêcher de sourire.
Il y a, dans cette folie désordonnée, quelque chose de rafraîchissant. À l’heure où Hollywood calibre au millimètre chaque franchise. On se prend à rêver d’un temps où une star pouvait transformer son caprice en superproduction. Bruce Willis, roi de la dérision et prince du cappuccino, s’est offert un cartoon en live action. Et nous, spectateurs indulgents, nous l’acceptons volontiers.
Hudson Hawk n’est pas un bon film. Mais c’est un film unique, joyeusement bordélique, irrésistible quand on accepte le pacte : se laisser emporter par la folie douce d’un acteur qui, pour une fois, ne sauve pas le monde… mais seulement sa tasse de café.
Et puis, comme j’ai l’occasion de faire cette critique, je rends hommage à Bruce Willis qui est certainement l’un des acteurs le plus talentueux de sa génération. Si quelqu’un pouvait lui dire là où il est, je lui en serais reconnaissant.
Laisser un commentaire