Malgré quelques incursions dans l’horreur très respectées parmi les fans, le cinéma français n’est pas réellement célèbre pour ses films de genre, notamment dans l’anticipation dystopique. Les œuvres sont parfois respectables, voire réussies (Le Dernier Combat de L. Besson, Malevil de C. De Chalonges, Peut-être de C. Klapish, …) ou relativement moyennes (Jessica Forever de C. Poggi et J.Vinel, Eden Log de F. Vestiel…), mais si rares que toute nouvelle tentative ne peut bien entendu que titiller notre curiosité. Imaginez donc notre surprise à la nouvelle de l’entrée en production de Chien 51, adaptation du roman éponyme de Laurent Gaudé sorti en 2022, par Cédric Jimenez, et surtout à l’annonce de la sélection du film au Festival international du film de Toronto 2025 ! Un roman à succès, Gilles Lellouche, Adèle Exarchopoulos, Romain Duris : une belle distribution. Tous les éléments semblaient réunis pour, sinon un chef-d’œuvre, au moins un bon moment de cinéma.

Mais, le chien est tombé sur un os, plusieurs os en fait.

Le film transpose le livre de la Grèce à Paris, dans un futur proche dystopique où la ville et sa banlieue sont divisées en 3 zones et où la vie quotidienne est entièrement contrôlée par une intelligence artificielle nommée ALMA, pour des raisons de maintien de la sécurité suite à une énorme crise nationale récente, comme expliqué dans les scènes d’exposition. Les zones sont hiérarchisées par classe sociale, les citoyens les plus riches vivant bien entendu en zone 1. ALMA a révolutionné le travail de la police en reconstituant efficacement les crimes grâce à des statistiques et en le combattant quasi immédiatement avec des technologies de pointe comme des drones armés. Mais, quand un corps est retrouvé, étrangement mutilé, dans une aire mal fréquentée de la Z3, Zem Sparak (G. Lellouche), un « chien », ou flic déclassé en zone 3, est d’abord chargé de l’enquête. Au même moment, en Zone 1, l’inventeur d’ALMA est aussi retrouvé assassiné dans des conditions mystérieuses, et l’IA annonce un activiste de renom, opposant au régime autoritaire imposé par celle-ci, comme étant le meurtrier. Pourtant les deux crimes semblent liés et Zem se retrouve sous la responsabilité de Salia Malberg (A. Exarchopoulos) une inspectrice ambitieuse de la Zone 2, au beau milieu d’une enquête qui va évoluer bien différemment de la routine attendue.

Si au début l’idée semble intéressante, cependant, le film s’embourbe assez rapidement dans des clichés du genre qu’on a déjà vus cent fois (le vieux flic désabusé et la jeune fliquette ambitieuse, les bas-fonds de la ville remplis de gentils criminels supers doués en technologies, la drogue omniprésente sans laquelle les pauvres humains, et notre policier préféré, ne peuvent survivre à l’ambiance dépressive permanente, etc.) qui font qu’on s’ennuie progressivement, et, malgré les tentatives de suspense et de surprises du scénario, qu’on se détache totalement de l’histoire et des personnages finalement. Nous ne parlerons même pas de la romance se développant de manière téléphonée et du dénouement plus que prévisible. Alors oui, Gilles Lellouche est plutôt bien dans son interprétation d’un Blade Runner français, Adèle Exarchopoulos livre une performance standard digne des Hunger Games, Romain Duris ne s’en sort pas trop mal dans le rôle du politicien qu’on sent véreux, et le long métrage comporte de belles scènes d’action plutôt bien filmées dans des décors glauques à souhait. En revanche, le cocktail ne se mixe pas réellement bien et se transforme en émulsion moyennement digeste au lieu d’en savoureux nectar. La mise en scène un peu poussive, accompagnée d’un montage à la Michael Bay soutenu par une musique qui fait tout ce qu’elle peut pour créer des émotions que le reste échoue à faire éclore, le tout accompagné de scènes et d’outils d’exposition aussi lourds que les dialogues, ne prend vraiment pas le spectateur aux tripes. Bref, encore un essai non transformé pour le cinéma de genre français, et c’est bien dommage car tous les éléments sont présents pour un résultat qui aurait pu être bien plus qu’un simple divertissement instantané, oubliable en un clin d’œil : on en sort un peu déçu avec en tête cette réplique de renom de La Grande Vadrouille : Y a pas d’hélice, c’est là qu’est l’os.

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