En 1805, un capitaine anglais traque un corsaire français jusqu’au bout du monde connu. Peter Weir, réalisateur australien en fin de carrière, nous livre ici une œuvre des plus subtiles dont il serait bon de s’inspirer plus souvent. Russell Crowe, dans le rôle du capitaine du navire, Jack La Chance nous fait oublier Maximus et habite complétement son personnage.

Film de guerre historique et de piraterie, car oui, il y a bien un trésor à découvrir, Weir s’amuse à emmener son spectateur de Surprise en Surprise. « À l’autre bout du monde », le sous-texte du titre résume bien l’enjeu du film, autant qu’il est méta. Peter Weir, met pour son dernier film, la barre haute. En effet, au-delà de nous filmer un voyage ente deux océans, il nous le fait vivre. Nous vivons à bord, partageant les repas avec le capitaine, les moments de joies et les craintes accompagnés par les hommes d’équipage. Weir tisse une fresque monumentale, se rapprochant du documentaire historique. Je crois que peu de film ont à ce jour approché avec autant de dévotion l’époque de la marine à voile.

Au-delà d’être un navire, le HMS Surprise est un voilier école. Il y transporte de jeunes gens, certains âgés de 12 ans, dans leur première mission. Nous nous rendons alors compte que cette époque est bien éloignée de la nôtre par les mentalités, car les adolescents sont de véritables enfants soldats. Ils font leur baptême du feu et certains en seront marqué à vie. Pourtant ce film n’en reste pas là. Nous découvrons avec réalisme les cuisines au feu de bois que l’on faisait dans le bateau ainsi que les connaissances médicales dont nos ancêtres disposaient. Nous ne mettrons jamais pied à terre, sauf dans les Galapagos. Avant, nous naviguons dans l’immensité bleue de l’Atlantique et du Pacifique, livrés aux vents et au soleil. Pourtant, au milieu de cette contemplation, le réalisateur nous offre des morceaux de bravoure d’anthologie. Des fois, gratuitement comme lorsque nous franchissons le Cap Horn en pleine tempête au côté de Russell Crowe accroché au bastingage, d’autres, beaucoup plus réfléchit, au milieu des quelques scènes de batailles maritimes. Confrontations maritimes qui sont au nombre de trois : une au début, au milieu et à la fin, dans lesquelles nous découvrons l’art des manœuvres maritimes et où Weir s’amuse à tendre un suspens hitchcockien. Chacune apporte son lot de surprise, d’effroi et de satisfaction, permettant au film de nous introduire encore plus dans l’esprit de l’époque. Mais là où le film m’impressionne le plus, c’est comment Weir s’est fait transcender par son récit et ses personnages.

Tout comme le capitaine, dirigeant un équipage composé de jeunes lieutenants, la plupart de ses techniciens sortent tout juste de l’école. Il faut savoir que le réalisateur afin de mieux se préparer aux techniques de tournage modernes étaient retourné suivre des cours, se liant d’amitié avec certains élèves qu’il a embauché dans son film. Ce voyage maritime nous mènera jusqu’aux Galapagos, la terre connue au XIXème siècle comme la plus éloignée. Ce sera aussi la première fois qu’un blockbuster est tourné dans ces paysages. C’est grâce à tout cela que le film parle de son propre tournage.

L’enjeu scénaristique est aussi surprenant. En nous racontant une histoire de traque maritime, Weir en profite pour toucher une thématique plus vaste, qui aujourd’hui fait bien d’être rappelé. Sans fioriture, en restant simple, il nous surprend en reliant cette histoire à un tournant majeur de notre compréhension du vivant, grâce au personnage du médecin de bord, Stephen Maturnin. Si vous aussi vous recherchez un film, un soir, pour vivre une aventure, qui comme l’équipage vous changera à jamais, je ne peux que vous invitez à embarquer « à l’autre bout du monde » pour découvrir une époque que l’on a oublié et qu’il est important de se souvenir : celui où l’homme croyait au divin pour des raisons d’éducation et où la science commençait à comprendre et à étudier le vivant.