affiche d'une bataille après l'autre

Une Bataille Après l’autre est le plus gros budget de Paul Thomas Anderson ! Plus de 140 millions de dollars pour un film aux allures de blockbuster ? Que vaut le projet XXL de PTA ?

Déjà auréolé du succès critique de Magnolia, Paul Thomas Anderson est un des réalisateurs les plus respectés de sa génération. Le metteur en scène américain est un habitué des histoires longues, engagées et mêlant plusieurs personnages ou points de vue (There Will Be Blood, Licorice Pizza) : des qualités que l’on retrouve également dans son dernier film en date, Une bataille après l’autre.

On y suit Bob Ferguson (Leonardo DiCaprio) un ex-révolutionnaire, vivant à l’écart de la société, qui va perdre sa fille et devra sortir de sa cachette pour la récupérer ! Sur le papier, Une bataille après l’autre a l’apparence d’un drame familial, mais Paul Thomas Anderson a savamment multiplié les grilles de lectures et les couches de personnages pour créer une œuvre somme d’une densité folle !

La fresque post-Trump

Difficile de parler d’Une bataille après l’autre sans aborder Donald Trump… Bien que le Président américain ne soit jamais mentionné dans le film, son impact sur le cinéma actuel est plus visible que jamais ! A l’heure de la post-vérité et de la polarisation extrême des opinions, il n’est pas anodin de voir sortir des films comme Eddington : un sherif persuadé d’un complot qui va tout faire pour destituer le maire hispanique de « sa » ville. Puis Une bataille après l’autre, qui oppose des ex-révolutionnaires d’extrême gauche à des fascistes / néo-nazis justifiant leurs actes par de fausses accusations…

Plus qu’une simple opposition de deux clans, Une bataille après l’autre dépeint surtout la grande désorientation de ses protagonistes qui tentent désespérément d’appartenir à une structure familiale dans un environnement social toujours plus déstructuré.

Bob Ferguson tente de retrouver sa fille, les révolutionnaires font tout pour rester soudés entre eux, mais ce désir d’appartenance est surtout visible chez le colonel Lockjaw (Sean Penn). En effet, ce militaire qui s’occupe des frontières tente d’appartenir à un groupe de suprémacistes blancs sans réellement en partager les convictions et commettra des actes horribles juste pour « appartenir à un groupe »…

En ce sens, Une bataille après l’autre représente parfaitement le contexte social dans lequel il sort : une Amérique profondément scindée, qui voit la violence grandir un peu plus tous les jours, poussant les quelques indécis à rejoindre un bord radical même s’il ne correspond pas à leurs idées.

Une bataille après l'autre mitraillette

PTA : le roi de l’écriture

Bien sûr, Une bataille après l’autre ne tourne pas qu’autour du colonel Lockjaw et possède pléthore de personnages et de sous-intrigues qui vont s’entremêler durant le film. Paul Thomas Anderson explore alors les différentes strates de révolutionnaires, de liens familiaux et de raisons de se battre. Plus encore, les personnages ne sont pas unidimensionnels ! Presque tous les protagonistes ont des hauts et des bas qui les rendent attachants et détestables par moments, en somme : humains.

Sans rentrer dans les spoilers, le personnage de Bob Ferguson (Leonardo DiCaprio) est déjà un bon exemple. Un révolutionnaire qui a arrêté la lutte armée à l’arrivée de sa fille et qui a entamé une « nouvelle bataille (être père) » qu’il a à nouveau abandonné en tombant dans l’alcool et la drogue. Rien que sur le début du film, Bob Ferguson est attachant, mais aussi affligeant avant d’avoir un arc de rédemption.

Ce travail minutieux est appliqué à tous les personnages et participe à faire de ce film une véritable fresque humaine.

Leonardo DiCAprio dans une bataille après l'autre

Une mise en scène virtuose

Au-delà de l’écriture, Une bataille après l’autre brille aussi et surtout par la mise en scène. Que ce soit au niveau des choix de cadres ingénieux ou du rythme fou de certaines séquences, Paul Thomas Anderson a redoublé d’inventivité pour constamment maintenir le spectateur attentif durant 2h40 qui semblent passer en 1h.

On passe ainsi d’une fuite aléatoire d’un immeuble sur une musique jazzy (petite mention au passage pour l’excellente B.O de Jonny Greenwood) à une course poursuite silencieuse en voiture sur une longue ligne droite dans le désert ! Grâce à son montage alterné, le film oscille constamment entre les scènes d’actions et les temps calmes sans qu’un type de scène soit lié à un personnage en particulier. Le danger peut survenir n’importe où, n’importe quand et par n’importe quel coin du cadre !

Benicio Del Toro dans Une bataille après l'autre

Un Oscar après l’autre

Enfin, le film est porté par un casting 5 étoiles qui délivre des performances incroyables ! Leonardo DiCaprio tient peut-être là un des meilleurs rôles de sa carrière, la jeune Chase Infiniti frappe très fort pour son premier rôle sur grand écran, Benicio Del Toro excelle et vole toutes les scènes dans lesquelles il apparaît : bref tout le casting sur-performe (et en même temps a-t-on déjà vu des mauvais acteurs dans un film de Paul Thomas Anderson ?) mais s’il y en a un qui devait sortir du lot, ce serait bien évidemment Sean Penn.

Le colonel Lockjaw est LE personnage marquant du film. Ce militaire frustré, soumis, prêt à tout pour avoir une once d’approbation est constamment à la limite du ridicule et du pitoyable. Sean Penn donne alors encore plus de couleurs à son personnage grâce à une démarche coincée et plusieurs tics de visages qui laissent transparaître un inconfort permanent : du grand jeu d’acteur malin et efficace, car il ne tombe jamais dans la caricature malgré les extravagances du rôle.

Sean Penn dans une bataille après l'autre

Mise en scène virtuose, jeux d’acteurs incroyables et scénario savamment ficelé : pas de doute, il s’agit bien d’un film de Paul Thomas Anderson et sûrement d’un des (si ce n’est le) meilleurs films de 2025. Le réalisateur américain a bien profité du plus gros budget de sa carrière pour sortir l’artillerie lourde et obtenir, une nouvelle fois, un franc succès critique… reste à voir si le public suivra.