
Un film ayant obtenu la Palme d’Or à Cannes ne peut pas être mauvais. Nous ne pouvons que l’apprécier, le critiquer, l’encenser. Il reste l’œuvre cinématographique de l’année ayant obtenu une des récompenses les plus prestigieuses qui soit. Ne pas l’aimer n’est pas possible. Quoiqu’il arrive, c’est une œuvre qui nous interroge. C’est pour cela que je ne mettrai pas de note à cette critique.
Un simple accident est un très bon film. La réalisation de Jafar Panahi pallie son manque de moyens par une mise en scène virtuose et prenante. Nous avons l’impression de nous promener dans les rues de Téhéran, dans le quotidien des Iraniens vivant sous la dictature du Mollah. Le film nous dépeint avec humour une société corrompue où le bakchich est monnaie courante. Le jeu des acteurs est excellent, s’investissant dans leur rôle. La lumière est intelligente, favorisant les éclairages naturels et jouant avec les couleurs du décor. En choisissant un style proche du documentaire, le réalisateur nous plonge dans du réalisme. Il arrive, en plus, à jouer avec les couleurs grâce aux phares de voiture, aux lumières du décor. Très bien géré, les lumières semblent provenir directement de l’architecture des lieux et non de spots cinéma. Le montage et le travail sur le son ajoutent à l’immersion, travaillant plus avec des contraintes.
Pendant ce temps, dans le fond de l’image, en flou, des figurants font des regards caméra, renforçant l’impression d’un tournage sauvage. L’écriture de Panahi nous plonge dans un Iran du silence, celui des tortures du régime des mollahs. Les personnages, les uns après les autres, vont de leur monologue rappelant les horreurs qu’ils ont subies. On nous parle des Iraniens comme de personnes pouvant pardonner les pires horreurs, dont leur bonté va jusqu’à aider leur bourreau. Ne voulant pas devenir comme les monstres qui les ont torturés. Ils préfèrent vivre dans la peur plutôt que dans l’enfer. La vie passe toujours avant la vengeance. Les personnages s’humanisent au milieu des actes barbares qu’ils ont subis et qu’ils s’apprêtent à faire subir.
Cette Palme d’or me questionne. Bien que l’histoire soit très prenante, j’y sentais, tout du long, un cahier des charges du cinéma français d’auteur : symbolique des couleurs selon les états d’âme des personnages, présence du cinéma dans l’image grâce au personnage de la photographe de mariage. Le choix judicieux d’une approche documentaire de l’image privilégiant les longs plans fixes me rappelle le cinéma français à petit budget. La sensation de notre cinéma est palpable tout au long du film. C’est bien dommage. La volonté de Jafar Panahi de filmer son pays, d’en critiquer sa politique, fait ressortir un cinéma à la personnalité plus française qu’iranienne. Je pense que ce constat peut être appliqué à quasiment toutes les coproductions françaises avec des pays en développement.

C’est dommage qu’en voulant mettre en avant le cinéma d’un pays, ce qui en ressort soit très souvent une critique du fonctionnement de ce pays étranger. Critique forte, certes, mais que l’on n’oserait pas faire sur notre propre pays. Le scénario me pose aussi problème. Je ne peux m’empêcher de penser au film de Polanski, La Jeune Fille et la Mort, tiré de la pièce éponyme de l’Espagnol Ariel Dorfman dénonçant la dictature chilienne. Une personne ayant été torturée les yeux bandés croit reconnaître son bourreau des années après avoir été libérée. Décidé de lui faire avouer ses crimes, elle commence à se demander si cette personne est la bonne. Entre questionnement politique, récit de torture et dénonciation de la dictature, notre Palme d’Or 2025 adapte ce récit. Et pourtant, je n’y trouve de références nulle part et surtout au générique de fin. Il est courant que, dans le cinéma, des films ne se fassent pas, car il existe des histoires semblables et acheter les droits coûte trop cher. Dans ce cas-là, la production essaie de faire une inspiration libre de l’histoire en y changeant quelques détails mais en y gardant le principe. C’est surement ce qui s’est passé. Personne ne semble avoir remarqué le lien entre les deux
histoires. C’est dommage pour une Palme d’Or, un des emblèmes de la culture, de ne pas remarquer ça, de ne pas mettre en avant les œuvres fortes dont semble s’inspirer Panahi. Même si ce film est bien, il n’est pas subjuguant. Il semble se rapprocher plus d’un « nanard d’auteur » cochant toutes les bonnes cases d’un cahier des charges français. Il semble que le prix a plus été attribué pour saluer le courage d’un auteur dénonçant ouvertement le régime de son pays et pour une production prenant des risques en tournant sans autorisation sous le régime dictatorial iranien. Les monologues de tortures nous rappelant l’horreur se rapprochent d’Œuvre Lazaréenne de Jean Cayrol : « Il est impossible de montrer l’horreur, nous pouvons juste vous en montrer le souvenir ». Ce principe très intéressant de nous faire réfléchir à l’horreur se rapproche de Nuit et Brouillard de Alain Resnais et Chris Marker d’après un texte aussi de Jean Cayrol. Voilà encore une référence qui est non citée, non induite, passée sous silence.
Un simple accident est un bon film, utilisant des procédés d’œuvres déjà existantes pour atteindre son but émotionnel, sans pour autant les citer et en s’en attribuant les honneurs. Le cinéma serait-il en train de s’oublier ?




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