
En 2004, un jeune réalisateur du nom d’Edgar Wright met en scène son premier long-métrage, Shaun of the Dead, comédie zombiesque au succès fulgurant à l’époque, le tout en étant accompagné de deux acteurs – Simon Pegg et Nick Frost – qui deviendront ses figures de proue sur deux autres de ses films. Premier épisode de la trilogie Cornetto (trois films, trois histoires complètement distinctes), composée entre autres de Hot Fuzz (2007) et The World’s End (2013), Shaun of the Dead est un hommage hilarant, enthousiasmant et ultra-référencé aux meilleurs films du genre.
Le réalisateur britannique avait d’abord fait ses gammes à la télévision, notamment avec la déjantée série Spaced, où il faisait déjà étalage de son talent et de son style si particulier, avec, pour la première fois, la présence de ses deux acolytes. L’œuvre annonçait les prémisses de la tornade qui allait s’abattre sur le cinéma britannique et sur la pop-culture : une énergie contagieuse, un rythme effréné et une générosité sans pareille, tout en faisant preuve d’une inventivité folle.
Directement inspiré de la vie de l’acteur principal (Simon Pegg), le film suit, comme son nom l’indique, l’histoire de Shaun, vendeur fainéant qui passe son temps au pub The Winchester en compagnie de son fidèle mais tout aussi fainéant meilleur ami Ed (incarné par le fabuleux Nick Frost), tout en négligeant sa relation avec sa petite amie Liz (Kate Ashfield). Quand cette dernière, excédée de la tournure que prend la vie de son petit ami, décide de rompre avec lui, Shaun va tout faire pour remettre son existence en ordre. C’était sans compter sur une invasion de zombies aussi soudaine que violente, qui va forcer Shaun à faire des choix drastiques.
À mi-chemin entre horreur gore et comédie romantique
Mélanger horreur, gore et comédie n’est pas chose aisée tant les genres s’opposent diamétralement, mais le duo Simon Pegg / Edgar Wright s’en sort ici à merveille. La caractérisation du personnage de Shaun est intelligemment construite, lui qui semble totalement perdu dans son existence : coincé dans un job qui ne lui plaît pas, il se laisse complètement aller et préfère enchaîner les pintes avec son pote Ed et jouer aux jeux vidéo jusque tard dans la nuit et dès le matin au réveil. Il semble tellement désintéressé par ce qui l’entoure qu’il en néglige sa relation avec Liz et vit en pilotage automatique : il est finalement déjà un « zombie », vide à l’intérieur.
Wright va s’appuyer sur son personnage et va jouer avec sa mise en scène et le hors-champ pour construire exponentiellement l’ambiance. En mettant peu à peu des situations de plus en plus surréalistes en arrière-plan, parfois répétitives, sous le nez d’un Shaun complètement déconnecté de la réalité, le réalisateur britannique s’amuse à mettre en place une tension tragi-comique qui fait la force du long-métrage. On pense notamment à la scène culte où Shaun se rend à la supérette pour faire les courses juste après le début de l’invasion, mécaniquement identique à la première, où Shaun ne remarque rien malgré les indices évidents laissés par la mise en scène.

Le style comico-horrifique d’Edgar Wright s’exprime également par son montage plein d’adrénaline et ses ruptures de ton. Une simple transition visuelle (les entrées et sorties de champ soudaines, marque de fabrique du cinéma de Wright, sont capitales) peut transformer une séquence d’apparence ordinaire en un moment de comédie absurde, puis plonger dans la violence la plus gore. Ce jeu de bascule n’est jamais fait en vain : il maintient le spectateur dans un état d’excitation constante, entre nervosité et rire.
Très drôle, le film n’oublie pas pour autant les codes du film de zombie, et aime rendre hommage avec amusement aux grands classiques du genre. Wright truffe son œuvre d’hommages explicites à des films pionniers, tels que Le Jour des morts-vivants de George A. Romero, avec ce démembrement final plus gore que jamais, ou encore Evil Dead de Sam Raimi. Malgré tout, le long-métrage de Wright n’est pas seulement une succession infinie de références sans saveur, mais un vrai film à part entière, cohérent, au scénario simple mais intelligent, également magnifié par les talents de metteur en scène du cinéaste britannnique.
Sous couvert d’invasion zombie, Shaun of the Dead est en premier lieu une comédie romantique, une histoire de rédemption d’un homme perdu qui trouve dans cette invasion l’opportunité de protéger ceux qu’il aime et de donner à sa vie un semblant de signification. En revitalisant un genre avec originalité et générosité, Edgar Wright signe un film culte qui, plus de vingt ans après sa sortie, n’a pas vieilli d’un iota.
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