
« Il ne devrait jamais être permis à un homme d’écrire, de financer et d’incarner son propre rôle au cinéma. » Telle est la critique qui revient le plus quand est mentionné le film dont nous parlerons aujourd’hui.
Sorti le 16 Mai 2025 dans les salles françaises, le film est le résultat d’une collaboration entre le (très) célèbre chanteur Canadien Abel Tesfaye (The Weeknd) et le réalisateur Américain Trey Edward Shults, auteur d’une poignée de films plus ou moins notables, mais dont on retiens surtout le très bon It Comes At Night en 2017 et Waves, drame sorti plus tard, en Janvier 2020. Un projet important pour Abel puisqu’il s’agit pour lui d’une « renaissance » dans le sens ou le film est accompagné d’un album du même nom et qui doit être la conclusion de l’arc « The Weeknd » qui va donc laisser place à « Abel Tesfaye ».
Une mort spirituelle sur grand écran et en musique. Un projet qui, sur le papier, a tout pour me parler. Un funeste sort accompagné par deux acteurs, le talentueux Barry Kheogan, un comédien Irlandais fantastique qui, a seulement 32 ans, a déjà une filmographie à faire rougir certaines des plus grandes stars Hollywoodiennes : The Batman (2022) ; Dunkerque (2017) ; The Killing of a Sacred Deer (2017), et Jenna Ortega, jeune comédienne de 23 ans qui a récemment explosé en 2022 avec la sortie de la série Netflix Mercredi pour son rôle de… Mercredi. Une actrice pour qui j’ai beaucoup de sympathie malgré des choix de carrière tous plus douteux les uns que les autres (sans déconner faites vos recherches, son agent la déteste)
Un bon réalisateur, un artiste renommé et deux comédiens très doués, bienvenue dans la tête de The Weeknd, bienvenue dans Hurry Up Tomorrow.
Démêler le vrai du faux

Le film raconte l’histoire d’Abel, artiste pop connu dans le monde entier, suivi et adoré par des millions de fans qui n’hésitent pas à se déplacer à travers le monde pour aller le voir sur scène, supporté par son agent Lee, joué par Barry Kheogan. Cependant la vie n’est pas toute rose puisqu’il vogue entre alcool, drogues, stress, anxiété et le clou du spectacle : une rupture amoureuse très mal digérée. Une histoire mise en parallèle avec celle d’une fan quelque peu instable mentalement, Anima, interprétée par Jenna Ortega.
Le métrage rend volontairement floue la frontière entre la fiction et la réalité, d’abord en employant le vrai nom d’Abel, mais en se permettant en plus d’utiliser des événements qui lui sont réellement arrivés, lors d’un des moments clé du récit étant la perte de voix de The Weeknd durant l’un de ses concerts. Un problème qui lui est véritablement tombé dessus en 2022 à Los Angeles. C’est d’ailleurs à ce moment ou Anima et Abel font connaissance, et les choses vont aller très vite entre eux.
Un petit date improvisé à Santa Monica avant de finir a l’hôtel pour une introspection, aussi bien du côté d’Abel que de celui d’Anima, pour finir en beauté à batifoler toute la nuit. Une soirée qui aurait pu fonctionner, si elle ne s’était pas résumée à un interminable échange de regards et de silences gênants donnant l’impression d’avoir deux aimants positifs côte à côte. Deux personnages qui n’auraient jamais dû se retrouver dans le même film tant on sent la dimension qui les sépare. C’est pour moi le premier problème du film : Abel est en constant décalage avec ce qui lui arrive, et ça donne l’impression d’avoir écrit un thriller horrifique et d’avoir inclus The Weeknd au dernier moment, au chausse-pied.
Cependant, soyez rassurés, le film ne s’arrête pas là ! Au réveil, la fête est finie et ce n’est pas du goût d’Anima qui va prendre la décision la plus rationnelle de sa vie : séquestrer son chanteur favori. C’est la seconde partie du film et probablement la plus importante. Le chanteur, qui va déjà très mal, mentalement, se retrouve piégé avec Anima. Là encore, un Abel presque apathique qui ne bouge pas et qui se contente de regards vides sur la femme qui le retient en otage. Tout cela nous amène à un final mal ficelé, qui ne referme pas la moitié de ce qu’il a ouvert.
Cocktail douteux

Je pense que ce film n’a aucune idée de ce qu’il voulait être. Trey Edward Shullts est un réalisateur doué. Le voir s’associer avec un artiste et cinéphile comme Abel Tesfaye était une bonne idée au départ. Le souci, c’est qu’on ne retient pas grand-chose du film, parce qu’il est éparpillé et brouillon au possible. En faisant des recherches pour écrire cet article, je me suis rendu compte qu’une majorité des bonnes critiques autour de celui-ci étaient écrites par des fans de The Weeknd et que, d’après eux, si l’on n’a pas aimé, c’est que nous n’avons pas compris, que nous ne pouvons pas comprendre. Je suis en profond désaccord avec ce propos.
TOUS les films doivent pouvoir être vus et compris (où en tout cas permettre de s’en faire sa propre interprétation) sans avoir à faire ses devoirs au préalable. La dimension « Thriller horrifique expérimentale » n’est pas un problème. Profondément incomplet et beaucoup trop vague, Hurry Up Tomorrow sonne comme un long clip vidéo destiné à vendre un album. Pourtant, ce n’est pas le cas.
Dans de nombreuses interviews, Trey et Abel affirment que le film est né avant l’album, que ce support n’était même pas encore sure de voir le jour au moment où la production a commencé. Un procédé très honorable puisque malgré tout, le film regorge de qualités notables. Une mise en scène parfois épileptique, parfois calme et sobre (à l’instar d’Abel). Trey se permet même une séquence horrifique extrêmement efficace comme il sait très bien les faire. Ajoutez à ça, une photographie magnifique, un montage toujours dans le bon rythme qui donne une véritable structure au film.
Sans compter les deux performances de Barry et Jenna qui ont tous les deux le temps d’offrir de leurs talents, que ce soit Barry Kheogan sous cocaïne qui rebooste Abel dans un monologue boiteux avec son meilleur accent British ou simplement Jenna Ortega qui mélange séquestration et karaoké, mais qui arrive tout de même a rester touchante dans sa frivolité.
Dépêches-toi demain
Je ne suis pas un fan de The Weeknd. Il ne devrait pas y avoir d’impératif pour aimer le film, ni celui-ci, ni aucun autre.
J’ai cependant écouté l’album du même nom qui lui est… Carrément bien. Excusez ma critique musicale, assez limitée.
Un projet honorable et je le pense, pleins de bonnes intentions, mais qui laisse néanmoins une note amère après avoir réuni autant de talents et de n’avoir pas su les mixer correctement. Peut-être que l’idée de départ était encore trop vague, ou bien que l’univers de The Weeknd n’est destiné qu’à rester dans les oreilles et non sur grand écran.
Je ne sais pas si l’on peut parler de « Renaissance » mais une chose est sûre, The Weeknd est bien mort.
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