Si les comédies de zombies sont aujourd’hui un genre établi, il fut pourtant un temps où celles-ci ne couraient pas les rues. Inauguré par des œuvres satyriques telles que King of the Zombies, ou Zombies on Broadway dans les années 1940, le genre ne se développa pas pour autant avant la vague des films de zombies sérieux des années 70 tels que La Nuit des morts vivants de George A. Romero et ses suites du même auteur. Mais, comme l’être humain aime rire de tout, nos créatures en putréfaction favorites ne tardèrent pas à faire les frais des humoristes d’Hollywood… ou bien est-ce le contraire ?

Le Retour des morts vivants, sorti en 1985, inaugure une franchise de trois films qui lancera en même temps la vraie naissance du genre, et sera à l’origine de comédies horrifiques aujourd’hui vénérées des fans telles que Braindead, Army of Darkness, Shaun of the Dead, Poultrygeist, Fido, Dead Snow, et j’en passe. À cette époque, le film crée la surprise par son décalage et sa puissante satire de la société de consommation aux États-Unis, tout en étant le premier long-métrage de Dan O’Bannon, et avec une distribution de complets inconnus.

On y suit les aventures malencontreuses (ou les gaffes) de Frank, croque-mort n’ayant pas inventé le fil à couper le beurre, accompagné de son stagiaire Freddy qui n’est pas non plus le couteau le plus aiguisé du tiroir. Frank, voulant impressionner le jeune homme, laisse accidentellement s’échapper un gaz expérimental d’un réservoir militaire ultrasecret acquis dans des conditions floues en relation avec la stupidité affirmée des militaires de l’US Army. Le gaz réveille un cadavre stocké dans la morgue qui attaque nos deux imbéciles, qui ne trouvent rien de mieux que de lui détruire le cerveau comme Freddy l’a vu dans un film (petit hommage à La Nuit des morts vivants), puis de démembrer suite à l’échec de leur tentative de décérébration. Aidés de leur patron Burt et de son ami Ernie, propriétaire du crématorium voisin, nos héros mononeuronaux tentent de se débarrasser des morceaux de cadavre mort-vivant par combustion. Le groupe d’amis de Freddy, tout aussi intelligents que les personnages que nous connaissons déjà, arrive sur la scène et décide de faire une petite fête dans le cimetière voisin en attendant que leur pote finisse sa journée de travail. La fumée lourde de la combustion du cadavre s’échappe par la cheminée du crématorium, est ramenée violemment au sol du cimetière par une pluie battante, et ressuscite joyeusement des centaines de résidents des tombes alentour, terrorisant le groupe de jeunes, déjà bien imbibés et à moitié nus (Ah ! Les années 80 au cinéma !). S’ensuivent moultes scènes de poursuite, de gore, et de cervelles dégustées, jusqu’à une conclusion explosive qui démontre bien les techniques subtiles des militaires pour résoudre les problèmes, avec bien entendu une ouverture potentielle pour un second volet.

Alors oui, le film, surtout en 1985 au cinéma, est hilarant. Les zombies sont plus réalistes que ceux de Romero et les effets spéciaux gores et de putréfaction sont plutôt bien réussis pour l’époque, bien mieux que la plupart des effets « peinture » de Romero. Le mort-vivant « Tarman » original du film, squelettique et couvert de substance noire collante semblable à du goudron (photo ci-dessus), est particulièrement réussi et considéré comme un des plus terrifiants, et paradoxalement amusants à la fois, du cinéma de zombies. Il est également le premier à pouvoir parler de manière intelligible, à montrer une intelligence normale, mais surtout, à exprimer le besoin fondamental pour lui-même et ses semblables de consommer de la cervelle humaine fraiche. La femme tronc, capturée vers le milieu du film, est tout aussi spectaculaire, et expliquera l’origine de l’addiction des zombies à la matière grise fraiche. Si la direction artistique reste assez classique pour un film contemporain, on notera tout de même un effort sur les costumes de la bande de jeunes en mal d’action, et sur les décors vraiment bien pensés. N’oublions pas la bande originale du film, savoureuse à point avec des performances de nombreux groupes punks de la région de Los Angeles à l’époque, tels que T.S.O.L., Les Cramps, Les Tall Boys… Seuls les personnages sont volontairement, et pour un effet comique, on imagine, stéréotypés. La caricature de la société de consommation américaine en 1985 est parfaite, avec des critiques pas si dissimulées de la jeunesse, de l’Amérique vieillissante d’après-guerre, de l’armée US à la gloire lointaine, des services publics (la Poste, le gouvernement), etc. Personne ici ne brille par son intelligence.

Bref, les États-Unis de 1985 en prennent pour leur matricule : tous des zombies !

Le Retour des morts vivants est aussi à l’origine de plusieurs règles que l’on retrouvera dans beaucoup d’autres long-métrages du genre ensuite, comme le fait que les zombies se nourrissent du cerveau de leurs victimes, qu’ils ne sont pas tous lents, qu’ils ne meurent pas forcément si on leur coupe la tête ou si on leur tire dessus, que certains peuvent parler, etc. Cette comédie d’horreur novatrice aura un succès modéré au box-office, mais immense jusqu’à devenir un classique culte dans les circuits vidéo de location et plus tard, en DVD. Le film génère quatre suites jusqu’en 2005 : Le Retour des morts-vivants 2, Le Retour des morts-vivants 3, Le Retour des morts-vivants : Necropolis, et Le Retour des morts-vivants 4 : Rave mortel.

À déguster sans réflexion ni modération !