
Arco (Oscar Tresanini), 10 ans, vit dans un futur idyllique où le voyage dans le temps existe. Sa famille va régulièrement visiter d’autres époques, mais il est trop jeune pour les accompagner. Rêvant de voir des dinosaures, le petit garçon vole la combinaison arc-en-ciel de sa sœur et décolle vers le passé.
Après une mauvaise chute, il atterrit en 2075 et perd le diamant qui lui permet de voler. Dans ce monde ultratechnologique balayé par les catastrophes naturelles, il fait la rencontre d’Iris (Margot Ringard Oldra), une fillette aux parents absents qui vit avec son petit frère et un robot-nounou, et qui fera tout son possible pour aider Arco à rentrer chez lui.
Premier voyage
Quand on va voir le tout premier film d’un·e réalisateur·rice, on ne sait jamais vraiment à quoi s’attendre. Parfois, on sort de la séance en restant sur notre faim. Et de temps en temps, on se retrouve face à un petit bijou comme Arco, le premier long-métrage d’Ugo Bienvenu. Un film d’animation destiné aux enfants, mais qui frappe aussi les adultes en plein cœur.
Sorti des Gobelins, Ugo Bienvenu tourne des courts-métrages et des clips avant de se lancer dans la bande dessinée. Son album Préférence système (2019) remporte le Grand prix de la critique au Festival d’Angoulême. Véritable touche-à-tout, le jeune artiste travaille également dans la publicité, réalise des pochettes de CD, designe des carrés Hermès® et développe la mini-série Ant-Man (2017) pour Marvel.

Sur le plateau du film Eden (Mia Hansen-Løve, 2014), dans lequel il joue un petit rôle, il rencontre Félix de Givry, avec qui il monte la société de production Remembers et co-scénarise Arco. En recherche de financement, les deux amis croisent la route de Sophie Mas et de Natalie Portman. Les productrices adhèrent tout de suite au projet et créent une structure pour le soutenir.
Une collaboration fructueuse, puisque depuis sa sortie le 22 octobre 2025, Arco bénéficie d’un accueil critique très majoritairement positif. Présenté à Cannes en avant-première, il a remporté le Cristal du long métrage du Festival international du film d’animation d’Annecy, où il concourait contre des pépites comme Amélie et la Métaphysique des tubes (Maïlys Vallade, Liane-Cho Han, 2025). Il a également raflé d’autres prix et pourrait même être nommé aux Oscars 2026 dans la catégorie « Meilleur film international ».
Dessiner la poésie
Son succès, Arco le doit d’abord à sa beauté, fruit d’un véritable travail d’artisan. Dessinateur de métier, Ugo Bienvenu a préféré avoir recours à la 2D pour son premier long-métrage. Une centaine d’animateurs·rices et une trentaine de décorateurs·rices ont travaillé à sa création. De l’idée initiale jusqu’au montage final, le film a été fabriqué en cinq ans.
Le jeu en valait la chandelle : l’image est magnifique. Les couleurs à la fois vives et poudrées nous en mettent plein la vue. Le trait épuré du dessin, un tantinet rétro, et le style futuriste des décors ne sont pas sans rappeler les bandes dessinées des maîtres de la science-fiction, comme Leo ou Mœbius. Alma Jodorowsky, la petite-fille d’Alejandro Jodorowsky, prête d’ailleurs sa voix à deux personnages du film. Coïncidence ?
Mais les références graphiques ne s’arrêtent pas là. Dès ses premiers plans, Arco fleure bon l’animation classique japonaise. On ressent particulièrement l’influence du Studio Ghibli, surtout lors des scènes représentant le futur utopique du héros, où l’homme vit en harmonie avec la nature. Un hommage assumé, dont le souvenir s’efface finalement assez vite ; plus l’intrigue avance, plus Ugo Bienvenu affirme sa propre esthétique, entre réalisme et pop.

Et la musique n’est pas en reste. Composée par Arnaud Toulon, la bande originale est digne des envolées lyriques de Joe Hisaishi – par moments, on jurerait même reconnaître quelques notes du thème principal de Princesse Mononoké (もののけ姫, Hayao Miyazaki, 1997). La mélodie soutient l’action avec justesse, tantôt épique et poignante, tantôt discrète, voire absente.
Car Arco sait se taire pour nous laisser tout le loisir de l’admirer. Ugo Bienvenu n’explique pas, il montre. Chaque dialogue est utile et le silence qui s’installe parfois entre les personnages fait ressortir la poésie des images. L’univers est beau, l’histoire pleine d’espoir et de tendresse ; un peu de douceur dans ce monde de brutes.
Pour les (grands) enfants
Mais pas que : le scénario propose également sa dose d’aventure et d’humour. Arco a été pensé pour plaire aux enfants comme aux adultes, dans la tradition des films familiaux des années 1980. L’intrigue n’est pas sans rappeler celle de E.T. (Steven Spielberg, 1982) – un visiteur venu d’ailleurs rencontre un enfant et, après avoir reçu son aide, s’envole pour rentrer chez lui, ne laissant qu’un arc-en-ciel dans son sillage.
Et à la manière de E.T., Arco nous fait rire malgré l’urgence de la situation dans laquelle se trouvent les personnages. Des répliques bien trouvées parsèment le film, mais l’élément le plus comique est sans aucun doute le trio d’« antagonistes » balourds et bariolés (Vincent Macaigne, Louis Garrel et William Lebghil) qui suivent Arco et Iris. Chacune de leurs apparitions déclenche une avalanche de blagues et de gags visuels. On s’attache facilement à ces trois frères maladroits, tout comme ils finissent par s’attacher eux-mêmes aux deux enfants.

À première vue, ce sont d’ailleurs les seuls adultes qui prêtent vraiment attention à eux. La famille d’Arco voyage dans le passé et le laisse souvent seul. Le père et la mère d’Iris travaillent sans arrêt et n’apparaissent que sous forme d’hologrammes, aux heures du repas ou en cas de problème. La fillette et son petit frère sont laissés aux bons soins de Mikki (Alma Jodorowsky/Swann Arlaud), un androïde dont la voix est un savant mélange de celles de leurs parents, et qui se révélera être beaucoup plus humain que ses propriétaires.
Livrés à eux-mêmes, Arco et Iris s’en sortent plutôt bien. Envers et contre tout, ils incarnent à merveille le courage, l’inventivité et la débrouillardise dont les enfants de leur âge sont capables, en gardant cependant un côté naïf, taquin et rêveur. Iris aime les contes, mais elle se demande si les vœux et la magie des histoires existent encore. Et puis un jour, Arco tombe du ciel, comme un personnage féerique.
Une fable humaniste et futuriste
C’est justement tout l’enjeu du film, qui ressemble à une fable moderne. Dans Arco, Ugo Bienvenu voulait imaginer un univers futuriste joyeux, à contre-courant des films de science-fiction dystopiques de ces dernières années, sans catastrophe insurmontable et sans survie. Le présent d’Arco propose une vision solarpunk du futur, un retour à la terre et à la simplicité ; la technologie existe toujours, mais elle est utilisée pour le meilleur et ne supplante pas l’humain.
Le présent d’Iris est radicalement différent. En 2075, les catastrophes climatiques ravagent la planète. Les humains, indifférents, sont protégés par des bulles qui les isolent de la réalité, mais aussi des uns et des autres. Des robots s’occupent de toutes les tâches quotidiennes et de l’éducation des enfants afin que les parents puissent rester productifs au travail. Si la nature est encore là, les adultes en sont complètement coupés : ils portent des lunettes connectées en permanence et préfèrent décorer leur maison avec des fleurs holographiques plutôt qu’avec de vraies plantes.

Si son plus proche confident est un robot, Iris, elle, est fascinée par la forêt et le vivant. Blasée par les cours en réalité virtuelle, elle préfère sécher et dessiner des insectes. Elle aimerait se changer en oiseau et voler loin des bulles, de la cage dorée qui la coupe du monde et l’empêche de passer du temps avec sa famille. Plus que tout, Iris veut que les choses changent. Quand Arco arrive, elle croit tenir sa chance. Mais le véritable changement viendra d’elle-même.
Arco ne présente pas deux avenirs différents, mais deux étapes sur une même route. Avant de quitter le plancher des vaches pour laisser la terre se reposer, les humains doivent prendre conscience que leur mode de vie détruit la planète. Le film ne ment pas aux enfants : le futur de demain ne sera sans doute pas glorieux. En revanche, si nous travaillons ensemble, si nous nous laissons guider par notre imagination, celui d’après-demain pourrait être radieux.
Aujourd’hui comme demain
Mégafeux, cyclones, intelligence artificielle, supermarché pris d’assaut à l’annonce d’un confinement, rupture des liens familiaux… Dans le présent d’Iris, le quotidien est rempli de problèmes que l’on rencontre déjà aujourd’hui, mais dont personne ne semble se formaliser. Sous couvert de réaliser un film jeunesse, Ugo Bienvenu nous tend un miroir clair-obscur, à la fois ironique, magnifique et plein d’espoir. Le futur est peut-être incertain, mais l’animation française a encore de beaux jours devant elle.





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