
Premier film du néo-cinéaste chinois Yang Li, Escape from the 21st century est probablement l’une des propositions les plus formelles et les plus barrées de l’été (voire même de l’année), un objet pop et expérimental qui marque par sa sensibilité plus marquée qu’il n’y paraît.
En 1999, sur la planète K, une planète alternative à la Terre située à 3000 années-lumière de cette dernière, trois adolescents entrent malencontreusement en contact avec des produits toxiques, leur offrant des talents paranormaux. Grâce à un simple éternuement, ils sont capables de voyager de vingt ans dans le futur, dans la peau de leurs versions adultes. Ils vont alors découvrir un vaste complot qui pourrait changer à jamais la face du monde.
Une identité visuelle folle
Si le synopsis peut paraître fou, et si le film pouvait paraître kitsch au premier abord, rien ne prépare à la proposition du long-métrage. Les premières bande-annonces et les premières affiches annonçaient un film barré, avec une forte identité visuelle, et force est de constater que le cinéaste s’en est donné à cœur joie pour exprimer sa créativité dans une explosion de couleurs et de formes, en convoquant plusieurs médiums et en s’affranchissant des codes visuels pour en faire un film hybride, rappelant notamment le fantastique Scott Pilgrim vs. The World (2010) d’Edgar Wright ou le Speed Racer (2008) des sœurs Wachowski.
Alternant entre deux temporalités, voyageant entre l’adolescence et la vie adulte des protagonistes, Escape from the 21st century fait preuve d’une énergie débordante et d’inventivité : ses changements incessants de ratio entre passé et futur, ses incrustations animées à la manière de jeux vidéo ou de comics, ses couleurs vives et expressives comme des tableaux les plus extravagants. Une soif d’expérimentation et une proposition formelle d’une telle personnalité qu’il en devient difficile de ne pas ressentir de l’affection pour ce genre de long-métrage animé par les obsessions et la générosité d’un réalisateur décidé à ne pas se laisser freiner par les règles.
En résulte un film foutoir certes, mais terriblement enthousiasmant et d’une sincérité palpable dans sa démarche. Mais si le long-métrage est hyper stylisé, euphorique et déjanté, il n’en cache pas moins une réflexion sensible sur la jeunesse et l’avenir qui se dévoile au fur et à mesure, en prenant même le pas sur l’extravagance.

Jeunesse mélancolique
Si le long-métrage peut paraître indigeste et boulimique par moments, du fait du foisonnement d’idées visuelles à la seconde et un montage frénétique qui ne respire presque jamais, il ne manque jamais de générosité. Mais ce qui touche encore plus, c’est ce qu’il y a sous la surface du film, sous cette première couche folle, énergique, extravertie et haute en couleurs : sa mélancolie.
Entre passé et futur, les personnages ont conscience de la dystopie qui les attend, et tentent tout pour prévenir ce qui va arriver. Leurs versions adultes se percutent à la réalité qui va à contre-courant des rêves et des aspirations de leurs versions adolescentes. Des cœurs et des amitiés sont brisées, des vies sont impactées, les protagonistes se rattachent à ce qui leur est familier et se battent pour changer un futur gangréné : la mélancolie et le pessimisme du futur se heurte à la naïveté et l’insouciance du passé.
En résulte un film profondément attachant, animé par des personnages dysfonctionnels marqués de leurs doutes et de leurs peines, exacerbés par ces allers-retours incessants entre passé et futur. Yang Li met en scène une jeunesse en quête de liberté et qui cherche à trouver sa place dans un monde qui semble de plus en plus anxiogène, à l’antithèse de ce qu’ils espéraient.
Au final, cette expression visuelle sans limite, ce film foutraque débridé, et cette énergie folle sont un voile à la véritable thématique du film, pour mieux la laisser éclore. Un film dont on ressort éreinté, mais dans un sens mélioratif : Yang Li y met toute son âme, qui suinte à travers chaque plan de son œuvre. Un des films les plus surprenants de l’été.




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