
Tout le monde connaît le Parrain : la vision incroyablement moderne de son réalisateur pour un film d’époque, le montage parallèle, la teinte ocre/sépia du film copiée dans tant de longs-métrages similaires durant les 10-15 années suivantes, les performances d’acteur incroyables de Marlon Brando et Al Pacino, et les polémiques et controverses sans fin sur l’impact culturel envers les communautés italiennes à travers le monde. Et bien entendu… n’oublions pas la musique de légende du Maestro Ennio Morricone, que l’on ne peut plus éviter lors des mariages ou événements dans ces mêmes groupuscules.
Mais… malgré les nombreux visionnages, analyses et études de toute sorte par des érudits cinéphiles tout aussi variés, sommes-nous absolument certains de tout savoir sur le film ?
En effet, tout ce qui s’est dit ou écrit sur la création de ce monument du cinéma (11 nominations et 3 oscars, quand même !) venait essentiellement du bouche-à-oreille (rumeurs et légendes à foison !) ou d’analyses et réflexions sur le film lui-même, plus quelques perles dispersées de making-of, jusqu’à ce que le producteur Albert S. Ruddy lui-même finisse par écrire l’histoire ultime de la conception du chef-d’œuvre sous forme de scénario pour une mini-série TV : The Offer. Alors oui, il est vrai que tous les artistes impliqués dans la production et dans la vie de Ruddy à cette époque ne se souviennent pas des choses exactement de la même manière, et que le producteur a sans doute embelli et dramatisé les événements ayant mené à la complétion du long-métrage dans son récit, mais cela nous donne tout de même une bonne vision de ce qui a pu se passer il y a maintenant plus de cinquante ans à Hollywood. Regarder cette série changera complètement votre idée de certaines scènes du film.

Puisque nous nous concentrons ici sur Le Parrain, passons sur le premier (et excellent) épisode de la série, qui se concentre sur l’apprentissage de Ruddy à la production cinématographique et à son épiphanie : il faut faire du cinéma, et pas juste des films, mais des GRANDS films. Le reste de la mini-série se focalise sur des anecdotes de production, bien entendu toutes plus hilarantes les unes que les autres, et les erreurs de débutant de Ruddy, puisque le Parrain était son tout premier film. Dans sa volonté d’être le plus fidèle possible au livre de Mario Puzo, le producteur en herbe a bien entendu essuyé de nombreux plâtres et tenté de réinventer la roue, souvent avec des méthodes peu orthodoxes et des succès… discutables. La relation houleuse entre le débutant Ruddy, Bettye sa pétillante assistante prête à tout (magnifique Juno Temple), son producteur exécutif à responsabilités variables chez Paramount, Robert Evans (Excellent Matthew Goode) et son poulain de réalisateur en crise perpétuelle de création de chef-d’œuvre ultime : Francis Ford Coppola (magnifique Dan Fogler, qui était né pour jouer ce rôle !) truculente, passionnante ainsi que plein d’autres choses en « ante », et soutient la série en un fil rouge comique irrésistible. Tous les personnages sont excellemment joués et quasiment rien à redire dans ce monument de la TV.
La genèse et la préproduction du film font les sujets des épisodes 2 et 3. On y apprend beaucoup de choses sur les difficultés à financer le film, les multiples embûches et quasi-annulations dues à de multiples facteurs, incluant la Mafia italienne, un Frank Sinatra pas content du tout, la mairie de New York, les syndicats et les organismes de censure de l’époque, etc. Les épisodes 4, 5 et 6 se concentrent sur le casting du film, et d’autres difficultés de financement, comme la ruine potentielle de la Paramount à l’époque, et les ingérences variées de la mafia, devenue au final une alliée de la production.

Mais revenons à nos moutons siciliens, les épisodes 6 à 9, qui content le tournage du premier jour jusqu’à la première mouvementée du film, et voyons ou les deux œuvres se croisent plus concrètement. L’épisode 6 introduit certains membres de l’équipe de tournage et les coulisses désastreuses du jour 1 : la perte de confiance de la production en Al Pacino, et comment Coppola réussi à lui arracher une performance qui changera la donne. Le réalisme de la scène de la tête de cheval prend aussi une autre dimension à la lumière des événements qui y mènent. Pendant ce temps, c’est le chaos total entre les producteurs et les actionnaires de Paramount, mais Bettye, la brillante assistante de Ruddy, sauve la mise sur un pari fou, et tout repart ! L’épisode 7 relate en détail le tournage de la scène d’anthologie ou Michael Corleone « devient » le nouveau Don Corleone en tuant de sang Froid McCluskey et Solozzo, ainsi que celle ou Marlon Brando improvise avec un affectueux matou imprévu. Les deux scènes exposent bien comment des moments de cinéma sont devenus cultes grâce à des performances d’acteurs exponentiellement améliorées par des imprévus, des manipulations du réalisateur, ou encore des tensions dues à des situations extérieures. C’est le huitième épisode de la série qui fait le plus de liens entre le tournage et la réalité, en présentant le tournage des deux scènes historiques du film, montées en parallèle pour un maximum d’effet : celle de l’assassinat des parrains rivaux et celle du baptême. Dans l’épisode, les scènes du tournage de ces deux moments sont montées en synchronisation alternée avec des scènes de la vie des personnages de la série, dans une volonté avouée de rendre hommage au film tout en montrant l’influence énorme des événements se déroulant en parallèle de la production. L’effet est très réussi. Vient enfin l’épisode 9, dont les révélations sur le tournage des scènes à Corleone en Sicile, feront inévitablement sourire et conclure que vraiment TOUT est parti en vrille pendant la production du film, et que le fait qu’il ait été non seulement terminé, mais soit aussi devenu un succès énorme malgré le nombre incalculable d’écueils, est dû à la persévérance et au flair artistique de son équipe créative qui donna vraiment tout pour arriver à ce résultat toujours époustouflant cinquante ans plus tard.
N’hésitez pas une seule seconde, courrez regarder The Offer (et Le Parrain avant si vous ne l’avez pas vu depuis longtemps, ou… sacrilège ! Jamais vu). C’est une offre qui ne se refuse pas.
Laisser un commentaire