« C’est l’histoire de deux hommes, venant de deux milieux différents qui s’affrontent et leur haine détruit le monde », Takashi Miike.

Si vous ne connaissez pas le cinéma de Miike, ce film est une belle porte d’entrée à son univers. Si vous connaissez le cinéma de Miike vous avez certainement commencé par ce film…
Présentons d’abord le réalisateur : Takashi Miike. Il a appris à faire du cinéma en tant qu’assistant-réalisateur d’Ozu. Il l’accompagna sur ses derniers films. À la mort du Maitre, il passe à la réalisation avec Full Metal Yakuza (1997), un film de gangster, se présentant comme une sorte d’anti-robocop génial et fauché. D’ailleurs fauché, c’est un peu ce que seront toutes ses productions.

En véritable punk de l’image, il tourne des films du moment qu’il a une caméra. Bourreau de travail, sa filmographie compte plus de 40 longs-métrages, certains en sélection officiel à Cannes. Réalisateur de film d’horreur, il signe même un épisode de la série Master Of Horror avec en premier rôle : David Caradine. Tarantino a joué pour lui dans Sukiyaki Western Django (2007). Véritable western spaghetti à la japonaise. Sukiyaki, où il explore les origines du genre qui commence à la pièce de Shakespeare Henry III. Miike lit beaucoup, il adapte des œuvres de manga peu connues en Europe, mais tout bonnement géniale (des fois). Il a peut-être même réalisé le meilleur film de super-héros avec Zebraman (2004). Pourtant, au milieu de cette folie, se dresse un homme sain d’esprit, un véritable auteur dont Tarantino y voit un de ses maîtres. Sa filmographie compte de nombreux films de gangsters, très différents les uns des autres, tant par leur narration que leur esthétique ou thématique, mais au milieu des Yakuza Like a Dragon (2007) ou Rainy Dog (1997) se dresse peut-être son chef d’œuvre… Dead Or Alive. Le métrage nous plonge dans l’univers de la mafia au Japon. La séquence d’ouverture commence par nous faire ressentir une nuit à Tokyo, sous cocaïne et la suite explore l’horreur de ce milieu avec le personnage de Ryuiggi un chef de gang voulant une guerre générale entre les yakuzas et les triades.

Copyright Pretty PicturesFilm Dead or Alive

Au milieu de ce chaos, Jojima un policier mène l’enquête. Ils portent tous deux leurs valeurs, leur point de vue sur la société, et même si, par moment, ils peuvent s’entendre, ils ne peuvent pas cohabiter sous le même toit.


Une banale histoire de flic et de voyou. Pourtant, ce film se démarque des autres. Tout d’abord, l’élève d’Ozu, utilise certains procédés de son maître comme de longs plans séquences fixes lors de scènes de dialogue ou de noyade. Ce style tranche avec des séquences d’action très découpées, et pas qu’aux katanas, fourmillant de mille raccords mettant le feu à la pellicule. Ce mélange rend le film sensoriel. Porté par un éclairage en clair-obscur, il donne l’impression de nous faire sentir l’odeur des restaurants japonais et leur arrière-cuisine. On a le goût du ramen dans la bouche, les yeux qui piquent, car la pièce est trop enfumée. Il y a ici des plans que vous n’oublierez jamais. Ici, on ne vous propose pas juste un film sur les mafias. On vous propose de vivre comme un yakuza, de mourir comme un yakuza l’estomac plein de ramen.

Miike est parti tourner dans les quartiers chauds de Tokyo. La sécurité était assurée par différents gangs, tous avaient accepté, car ils aiment son cinéma. Il a longuement échangé avec eux pour écrire son scénario et voulait parler de leur quotidien, de leur routine où la plus horrible des violences se banalise comme un ouvrier travaillant à la chaîne. Ici vous entrez dans la vie des yakuzas, vous apprenez à les connaître et commencez à comprendre au fond de vous comment ils en sont arrivés là. Jojiima représente la police. Mais en faisant respecter ses valeurs, il se rapproche de plus en plus du yakuza et se perd dans cette spirale infernale, comme le spectateur.

Ici on nous propose un voyage violent dans l’univers mafieux. Et pourtant le final mettra tout le monde d’accord. Le sens de ce film réside dans son entièreté. Rien n’est gratuit, tout est justifié. Il vous propose un voyage violent mais galvanisant lorsque vous arrivez au bout. Il est aux antipodes du cinéma américain. Il est différent car japonais, avec soupçon de métal et de punk. Il n’approche pas la poésie comme peut le faire Kitano. Si vous voulez de la poésie regarder Dead Or Alive 2 (2000) ou Birds people in China.

Les yakuzas ne sont pas des poètes, ce sont des tueurs sous cocaïne ! C’est cela qu’a recherché Miike dans ce film. Il n y a ni gentil, ni méchant, ni plusieurs points de vue. Nous sommes égaux devant l’horreur et devons dépasser cette violence pour construire un monde meilleur. La haine n’amène que la destruction.