28 Days Later – © 2002 Fox Searchlight, Sundance/WireImage

Un groupe d’activistes s’introduit dans un laboratoire et libère des singes auxquels des scientifiques ont inoculé le « virus de la fureur ». 28 jours plus tard, Jim (Cillian Murphy) se réveille d’un coma à Londres. Errant seul dans les rues désertes, il est attaqué par une horde d’humains enragés et sauvé par Selena (Naomie Harris) et Mark (Noah Huntley). Ces derniers lui expliquent qu’une épidémie a ravagé le pays et transforme ses victimes en créatures aveuglées par la colère.

Après la mort de Mark, Selena et Jim rencontrent Frank (Brendan Gleeson) et Hannah (Megan Burns), un père et sa fille qui survivent comme ils le peuvent dans ce monde dévasté. Ensemble, ils suivront la piste d’un signal radio jusqu’à un blocus routier près de Manchester, où ils espèrent trouver la protection de militaires qui prétendent avoir la solution à la contamination. Une histoire simple, mais dont la réalisation révolutionne le film de zombies.

Le retour d’un genre

En 1968, George Romero donne le coup d’envoi d’un premier âge d’or du film de zombies avec La Nuit des morts-vivants (Night of the Living Dead). Des hordes de cadavres réanimés et avides de chair humaine envahissent les écrans. La tendance se propage aux États-Unis et en Europe, avant de s’éteindre au milieu des années 1980. Malgré quelques exceptions comme L’Emprise des ténèbres (The Serpent and the Rainbow, Wes Craven, 1988) ou Braindead (Peter Jackson, 1992), le genre semble mort et enterré.

Mais il sort de sa tombe en 2002 avec 28 Jours plus tard (28 Days Later), le cinquième long-métrage de Danny Boyle, à qui l’on doit par exemple Trainspotting (1996) ou La Plage (The Beach, 2000). Cet habitué des drames et des comédies noires s’essaie ce coup-ci à l’horreur et réussit son pari grâce à un parti pris novateur : contrairement aux zombies classiques, lents et balourds, ceux de Boyle sont de véritables chasseurs. Pour la première fois ou presque, ils courent. Vite. Très vite.

Un infecté en feu poursuit Jim
28 Days Later – © 2002 Fox Searchlight
28 Days Later – © 2002 Fox Searchlight, Sundance/WireImage

Cette nouveauté effrayante participe au succès de 28 Jours plus tard : réalisé avec seulement 8 millions de dollars, le film en rapporte 82 au box-office mondial. Une véritable réussite commerciale, qui relance l’intérêt du public pour les zombies. Dans les années 2000, le genre reprend du poil de la bête avec des films comme Shaun of the Dead (Edgar Wright, 2004), L’Armée des morts (Dawn of the Dead, Zack Snyder) ou REC (Jaume Balagueró, 2007).

Aujourd’hui, la figure du mort-vivant est bien ancrée dans la culture populaire et 28 Jours plus tard est reconnu comme un classique du film de zombies. On considère même qu’il fait partie des œuvres qui ont participé à la résurrection du genre. Mais il y a un hic.

Ceci n’est pas un zombie

Si, comme Danny Boyle, vous êtes à cheval sur la terminologie, vous serez d’accord avec lui pour dire que les zombies de 28 Jours plus tard ne sont pas vraiment des zombies. Certes, ils sont peu ragoûtants et couverts de sang. Oui, ils attaquent les survivants. Et c’est vrai qu’ils font peur. Mais ce ne sont pas des revenants, ni des cadavres en état plus ou moins avancé de décomposition. Ce sont des humains bien vivants, affectés par un terrible virus. Le réalisateur britannique préfère appeler ses créatures des « infectés ».

Même si le scénariste Alex Garland s’est inspiré des films de Romero et du jeu vidéo Resident Evil (Capcom, 1996) pour imaginer le scénario de 28 Jours plus tard, Danny Boyle voulait se distancer de la figure traditionnelle du zombie et créer quelque chose de plus moderne. Influencé par les épidémies de vache folle et de fièvre aphteuse qui ravagent le Royaume-Uni, il décide d’explorer la manière dont une pandémie humaine incontrôlée pourrait très vite causer la chute de notre société. Une prémonition, peut-être ?

Pour plus de réalisme, le virus a été pensé comme un mélange de maladies réelles, parmi lesquelles Ebola – une fièvre hémorragique – ou la rage. Dans une Angleterre post-apocalyptique, Jim, Selena, Frank et Hannah doivent donc survivre face à des hordes d’infectés rapides et agressifs qui contaminent leurs proies en leur vomissant des flots de sang au visage. Charmant.

Toutefois, si les infectés ne sont pas des zombies au sens propre, le public les a rapidement catégorisés comme tels, et ils ont servi de modèle pour des générations de mangeurs de cervelle après eux. Aujourd’hui, le mot « zombie » est d’ailleurs un terme générique qui regroupe aussi bien des cadavres ressuscités que des victimes d’infection fongique ou d’épidémie virale ayant un attrait pour la chair humaine. Mais l’héritage de 28 Jours plus tard ne s’arrête pas là.

Les infectés meurent de faim
28 Days Later – © 2002 Fox Searchlight
28 Days Later – © 2002 Fox Searchlight

Esthétique de la fin du monde

Au premier coup d’œil, on sent que quelque chose est différent dans l’image. N’essayez pas d’ajuster la qualité de votre vidéo, ça ne changera rien : le film est volontairement un peu trouble, comme s’il avait été tourné avec la caméra de vos parents. Ayant peu de budget et des scènes difficiles à capturer, Danny Boyle a réalisé la quasi-totalité de 28 Jours plus tard en utilisant une caméra numérique Canon de résolution standard.

Si la définition gêne un peu au début, l’aspect flou de 28 Jours plus tard ajoute au côté désolé et légèrement crasseux du monde post-apocalyptique dans lequel se déroule l’intrigue. Sans aller jusqu’à parler de found footage, le choix du numérique donne un rendu très « normal » à l’image, comme un documentaire amateur que nous n’étions pas censés voir. On trouvera d’ailleurs plusieurs extraits vidéo, réels ou pas, dans la première partie du film.

Frank, Jim et Selena entendent des infectés arriver dans un tunnel
28 Days Later – © 2002 Fox Searchlight
28 Days Later – © 2002 Fox Searchlight

Au-delà de sa valeur esthétique, la caméra numérique a surtout été choisie pour sa légèreté et sa praticité, qui ont permis à l’équipe de filmer rapidement des plans d’ensemble des rues de Londres sans trop déranger le trafic, mais aussi se placer au plus près des protagonistes. Cadrages innovants, caméra portée, angles inattendus : 28 Jours plus tard est si bien composé qu’on en oublie vite qu’il a été tourné en basse résolution.

Pourtant, ce qui rend le film vraiment unique, c’est la manière dont les infectés sont mis en scène. Lorsqu’ils approchent, la caméra adopte leur point de vue et nous fait courir avec eux en travellings portés chaotiques. Les scènes dans lesquelles les zombies attaquent les survivants sont confuses – les gros plans rapides s’enchaînent et le montage suit un rythme effréné. Un manque de lisibilité qui pourra en déstabiliser certains, mais qui traduit à merveille le sentiment d’angoisse et d’incompréhension des personnages face à la violence des infectés.

L’homme est un loup pour l’homme

Et pas que des infectés, en fait. Dès l’ouverture de 28 Jours plus tard, on est assaillis par la violence humaine. Pendant 30 secondes, un montage cut nous montre une sélection de vidéos documentant le sujet. Ces images sont montrées de force à des singes à qui on a inoculé la maladie. Plus tard, on voit que les autres animaux ne semblent pas affectés. Le virus ne fait donc qu’accentuer la rage inhérente à l’homme.

On se rend d’ailleurs vite compte que les autres survivants représentent une menace toute aussi effrayante que les infectés – un ressort narratif classique du film catastrophe et post-apocalyptique. Dans 28 Jours plus tard, le danger vient d’un groupe de militaires immatures, qui adorent tuer des zombies et sont prêts à tout pour tremper leur biscuit. Ça fait 28 jours, quand même.

Ce discours un peu simpliste sur la violence pourrait paraître un poil moralisateur : d’un côté, les zombies et les méchants, de l’autre les héros qui ne succombent pas à la colère. Mais Danny Boyle parvient à éviter le cliché en nuançant son propos. Les infectés sont parfois représentés comme des humains. Le zombie emprisonné par les militaires semble souffrir le martyre ; quand son regard croise la caméra, on y lit de la détresse. Contrairement aux soldats qui seraient prêts à violer une adolescente, les créatures de 28 Jours plus tard ne sont pas des monstres ; ce sont des personnes malades, incapables de se contrôler.

Et ils ne sont pas les seuls : pour survivre et sauver ceux qu’il aime, Jim doit oublier un instant son humanité. Sans être atteint par le virus, il se change alors en infecté – il devient l’ombre qui passe dans le cadre, la silhouette à la fenêtre, le tueur rapide et sanglant. Chaque plan qui le suit fait écho à la manière dont les zombies ont été montrés tout au long du film. Sa métamorphose est accentuée par l’intensité du morceau « In the House – In a Heartbeat », composé comme le reste de la bande originale par John Murphy.

Ni tout blancs, ni tout noirs, les protagonistes de 28 Jours plus tard sont moralement gris, et surtout complexes. Au-delà de l’horreur, l’effondrement de la civilisation donne à Danny Boyle un prétexte pour analyser en gros plan les recoins de la nature humaine – mais aussi de la nature au sens propre.

Jim est enragé
28 Days Later – © 2002 Fox Searchlight
28 Days Later – © 2002 Fox Searchlight

Un grand bol d’air frais

Car tout n’est pas que violence dans 28 Jours plus tard. Lorsque Jim, Selena, Frank et Hannah quittent Londres en voiture, ils sont encore des inconnus. Mais quelque chose change dès qu’ils s’éloignent de la ville. Là où les bâtiments et les rues étaient gris, on voit soudain un champ de fleurs floues et colorées, digne d’un tableau impressionniste.

Dès lors, 28 Jours plus tard prend des airs de road movie. Les infectés se font rares et les héros poursuivent leur route, insouciants. Sur un fond de musique parfois doux, parfois sautillant, ils rient, jouent aux cartes, trouvent de quoi faire un festin, pique-niquent sur l’herbe verte et passent la nuit à la belle étoile dans une abbaye en ruine. Des chevaux galopent en liberté dans les prés. On oublierait presque qu’une pandémie mortelle a dévasté le pays.

Un champ de fleurs impressionniste
28 Days Later – © 2002 Fox Searchlight
28 Days Later – © 2002 Fox Searchlight

Cette vision idéalisée et bucolique de la campagne s’oppose radicalement aux villes de 28 Jours plus tard et à leurs dangers. À Londres, les infestés pullulent ; à Manchester, tout est en cendres. La sécurité de ce voyage permet de rapprocher les personnages et d’en apprendre plus sur eux, sur leurs peurs et leurs doutes. Ils finissent par se faire confiance, et recréent un semblant de cellule familiale. Une ode à la nature et à sa simplicité.

Mais la parenthèse se clôt lorsque les héros rejoignent les militaires. Si leur base est aussi isolée, la pelouse bien entretenue n’a rien à voir avec les vastes étendues sauvages. Le manoir qu’ils ont investi est ridicule dans son opulence et reflète le système social rigide et hiérarchisé que les soldats veulent recréer. Ici, il y a une hiérarchie, des règles, de l’autorité… et des infectés.

Le message de 28 Jours plus tard est clair : le virus a été créé artificiellement par les humains, qui ont voulu jouer avec la nature et la modifier. Si leurs expériences et leur arrogance se sont retournées contre eux, la campagne est un Éden préservé dans lequel ils pourront guérir et repartir de zéro.

23 ans plus tard

En 2020, le Royaume-Uni est confiné. Des images d’une Londres totalement désertée circulent alors sur les réseaux sociaux, et de nombreux internautes les comparent avec les plans de la scène d’ouverture de 28 Jours plus tard. Un signe que le film a marqué durablement les esprits.

Avec son esthétique novatrice et l’attention qu’il porte à ses personnages, Danny Boyle a ouvert la voie vers de nouvelles définitions du film de zombie. Aujourd’hui, de nombreuses fictions reprennent les codes établis par 28 Jours plus tard : c’est le cas de la série The Last of Us (HBO, 2023-), qui met également en scène des zombies infectés, des survivants dangereux et des personnages ambivalents.

Fort de son succès, l’univers de 28 Jours plus tard a été étendu dans des comics, mais aussi dans une série de films. Danny Boyle revient à la réalisation dans 28 Ans plus tard (28 Years Later, 2025) le dernier volet en date, sorti 23 ans après le premier opus. Une suite, 28 Ans plus tard : Le Temple des Morts (28 Years Later: The Bone Temple, Nia DaCosta) devrait sortir l’année prochaine, cette fois sans le réalisateur britannique, qui laisse ses infectés reposer en paix… pour l’instant ?

Jim aperçoit un avion
28 Days Later – © 2002 Fox Searchlight
28 Days Later – © 2002 Fox Searchlight